Un guide pour donner des pistes de pratiques vertueuses
Alors que la COP26 était sur le point de se jouer à Glasgow, le Comité pour le Développement Durable en Santé (C2DS) a publié fin octobre la 6ème édition de son Guide des pratiques vertueuses en développement durable des établissements sanitaires et médico-sociaux (ESMS).
Ce guide intitulé « L’hôpital agit pour la planète » souligne tout d’abord le dynamisme des professionnels de santé de terrain qui agissent chaque jour pour réduire la facture énergétique et favoriser le développement durable.
Plus loin, à travers ce document, le CD2S aspire à informer et sensibiliser les professionnels de santé aux enjeux d’une démarche de développement durable et met pour ce faire à leur disposition une boîte à outils « du premier pas » en collectant depuis le terrain des pratiques inspirantes et duplicables par tous.
« Les établissements de santé sont à la croisée des grands enjeux de société. Ils ont un rôle majeur à jouer », souligne en introduction François Mourges, le président du C2DS. Rappelant que le développement durable est défini par la théoricienne Gro Brundtalnd comme devant « permettre aux générations présentes de satisfaire leurs besoins, sans empêcher les générations futures d’en faire de même », ce guide s’attèle ainsi à proposer des pistes de réflexion autour de plusieurs grands thèmes.
Rendre les hôpitaux et établissements médico-sociaux plus verts
De par leur fonctionnement 24/24h et 365 jours (ou presque) par an, les ESMS sont de très gros consommateurs d’énergie. D’autant plus qu’ils doivent accueillir leurs résidents au chaud l’hiver, et au frais l’été, et dispose parfois de bâtiments vétustes. Le secteur est donc très énergivore.
Cependant, de nombreuses mesures prises ces dernières années tendent à imposer une réduction de la consommation énergétique des structures à commencer par le décret « tertiaire » de la loi Elan qui fixe une réduction des consommations énergétiques de 40% d’ici 2030, de 50% d’ici 2040 et de 60% d’ici 2050. Alors comment faire pour limiter la consommation des ESMS ?
« Le secteur de la santé doit s’emparer de cette obligation pour la transformer en opportunité économique de rationalisation et de gain de performance », souligne le C2DS dans ce guide en expliquant que tout commence par un audit visant à mesurer l’empreinte carbone de son établissement. « Celui-ci permettra d’identifier les postes énergivores et de sensibiliser le personnel à la démarche en faveur de la décarbonation ». Ensuite seulement sera rédigé un plan d’action adapté à chaque établissement.
Voici quelques exemples d’axes d’action proposés par L’hôpital agit pour la planète.
- Développer les énergies plus vertes
Qui dit réduction des gaz à effet de serre, pense tout d’abord à la mise en place d’énergies vertes au sein des structures. Des dispositifs qui entrainent une baisse de consommation d’énergie, et de facto des économies pour l’établissement.
Le guide du C2DS prend ainsi l’exemple de structures de santé qui se sont raccordées au réseau de chaleur urbain de leur ville, leur permettant de réaliser d’importantes économies en termes d’émissions de CO2 annuelles. Il insiste par ailleurs sur l’importance du développement du photovoltaïque, d’autant plus dans une région ensoleillée comme la Corse.
Prenant l’exemple de structures ayant installé des ombrières sur leurs parkings, le C2DS dévoile que ces dispositifs leur ont à la fois permis de réaliser des économies, mais aussi de dégager un certain revenu en revendant de l’électricité.
- Mettre en place des éclairages adaptés
Solution « de bon sens » à mettre en place au quotidien, l’adaptation des éclairages est une action rapide et facile à mettre en place dans les établissements.
Dressant une liste – non exhaustive- permettant de réaliser des économies à ce niveau, le C2DS évoque par exemple des détecteurs de présence, des minuteries ou autres réflecteurs de lumière et ampoules à basse consommation que chaque établissement peut installer après avoir fait cartographier ses besoins en éclairages.
- Réduire la facture numérique très énergivore
En développement constant ces dernières années, le numérique implique une importante consommation électrique. Pourtant il existe quelques petits réflexes à mettre en place pour réduire la facture. Cela passe tout d’abord par la formation et l’information du personnel au nettoyage régulier de leurs messageries, ainsi qu’à la suppression des logiciels inutiles sur leurs ordinateur.
Pour augmenter la durée de vie du matériel, il convient également de programmer des mises en veille automatique quand le matériel n’est pas utilisé, ainsi que des arrêts des unités centrales et périphériques. Enfin, l’installation d’un consomètre, permettra de mesurer la consommation en instantané.
- Des espaces verts entretenus naturellement
La tendance s’accroit ces dernières années : pour entretenir leurs espaces verts, de plus en plus d’établissements font à des « tondeuses » écologiques tels que des moutons ou des brebis.
Une idée qui permet de faire des économies et fait bien sûr baisser les émissions de CO2, mais tend également à favoriser la biodiversité, et apporte un aspect ludique voire thérapeutique à cette action.
- Penser écoconstruction pour les nouveaux bâtiments
En ce qui concerne les bâtiments futurs, le C2DS note à quel point les écoconstructions sont importantes dans une démarche de développement durable. A commencer par une gestion verte du chantier. Pour réduire la consommation énergétique du nouveau bâtiment, le C2DS rappelle des éléments importants à prendre en compte tels que l’exposition adéquate du bâtiment au soleil et aux vents, la politique énergétique pensée sur le long terme, ou encore l’utilisation au maximum de la lumière du jour. Pensés judicieusement, ces bâtiments seront mieux isolés, plus sains et agréables à vivre et, de facto, plus durables et rentables sur le long terme.
De façon plus générale, le CD2S propose également 5 propositions à grande échelle :
- La création d’un fonds pour la rénovation énergétique hospitalière (Freh) consistant en un prêt à taux zéro et l’affectation de 1% du montant des enveloppes des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (Migac) et du Fonds d’internet régional (Fir) aux actions innovantes en termes de développement durable
- L’intégration de critères d’éco-conditionnalité à l’obtention d’aides publiques
- L’intégration de critères RSE dans le dispositif d’incitation financière à la qualité (Ifaq) des établissements de santé
- La réduction de la TVA sur les constructions HQE et les énergies renouvelables ; de même sur le tri la collecte, le transport et le traitement des déchets ; enfin sur les produits biosourcés et écolabellisés
- L’engagement des industriels et prestataire de services à réaliser des analyses de cycle de vie des produits et services délivrés
Acheter durable
Second poste de dépenses des ESMS après la masse salariale, les achats sont aussi la première source d’émissions de gaz à effet de serre.
Il convient donc désormais d’opérer certains changements afin d’acheter « durable ». Le C2DS donne dans ce guide quelques pistes d’actions :
- Sensibiliser les acheteurs par exemple :
- En mettant à leur disposition des fiches pratiques expliquant le cycle de vie et les enjeux associés
- En utilisant l’outil Geodis qui calcule l’ensemble des émissions de carbone et polluants atmosphériques générés par le transport de marchandises pour favoriser les circuits courts
- Acheter plus intelligemment
- Mieux vaut investir un peu plus au départ que se retrouver trop vite poussé à racheter
- Cela peut aussi passer par des petites choses du quotidien comme réduire le grammage du papier de bureau.
- Favoriser l’économie circulaire
- Optimiser les livraisons
- Miser sur le réutilisable autant que faire se peut
Décarboner les assiettes
En privilégiant une alimentation durable, il est possible d’agir pour décarboner les assiettes servies chaque jour dans son établissement. Pour ce faire, le C2DS propose plusieurs exemples d’actions dans son guide :
- S’approvisionner en denrées issues du commerce équitable ou bénéficiant d’une appellation d’origine
- Limiter les emballages
- Proposer des menus bas carbone et végétariens
- Acheter local et de saison
- Supprimer le conditionnement à usage unique
Dans ce droit fil, L’hôpital agit pour la planète donne aussi des pistes pour réduire le gaspillage alimentaire :
- Personnaliser dans la mesure du possible des menus aux convives
- Donner le choix entre plusieurs menus,
- Impliquer les convivre dans l’élaboration des menus (aussi bien les usagers que les personnels)
- Travailler sur la taille des portions servies et les horaires de services
- Donner le surplus à des associations qui aident les plus démunis
Réduire sa production de déchets
Alors que la Corse est engluée dans une lancinante crise des déchets depuis plusieurs décennies, peut-être encore plus que sur d’autres territoires, il est capital de réduire d’agir pour réduire le tonnage des déchets de chaque établissement.
Rappelant que le secteur de la santé et du médico-social génère plus de 51 types de déchets différents dont seulement 15 sont en moyenne triés par les établissements, le C2DS donne plusieurs pistes de réflexion pour agir à son échelle :
- Faire du tri un levier d’optimisation en donnant du sens à la démarche, en prenant soin de ne pas épuiser les équipes en interne et en traitant les déchets le plus durablement possible au plus près de la source de production
- Identifier les bonnes personnes et nommer un référent « gestion durable des déchets » qui devra sensibiliser les équipes ainsi que les résidents et bénéficiaires au tri
- Valoriser les biodéchets par exemple en mettant en place des composteurs (le compost pourra de plus servir comme engrais pour le jardin ou le potager de l’établissement)
- Revendre des produits non consommés aux personnels à des prix intéressants avant leur péremption
Six actions clés pour optimiser le transport des déchets
− Nommer un référent « transport des déchets » pour cartographier les sites de traitement et sensibiliser les collaborateurs.
− Mettre en place une politique de réduction à la source (produits et dispositifs réutilisables, compostage des biodéchets, ressourcerie, prétraitement sur site des Dasri).
− Dialoguer avec les prestataires et les sensibiliser (formation à l’écoconduite, véhicules bas carbone…).
− Miser sur un compacteur ou un tasseur pour les déchets non dangereux.
− Optimiser la circulation des informations entre producteurs et transporteurs de déchets dangereux grâce à Trackdéchets.
− Optimiser les conteneurs Dasri en fonction des véhicules.
Optimiser les déplacements pour les rendre plus vertueux
Le secteur de la santé comme celui du médico-social sont liés à un flux de transports et de déplacements des plus significatifs. Pour réduire la part des émissions de CO2 qui en découlent, le C2DS notent que de plus en plus de initient progressivement des actions destinées à rationaliser les déplacements des professionnels (domicile-travail), des usagers et visiteurs, ou encore des fournisseurs et développe plusieurs exemples inspirants.
- Favoriser les mobilités alternatives
Bonnes pour la planète et la santé, les mobilités douces ont de plus en plus la côte dans la société d’aujourd’hui, même si certains freins existent encore et dissuadent de nombreuses personnes de laisser la voiture au garage pour aller travailler.
Afin d’agir en faveur de ces mobilités douces, le C2DS relate que partout sur le territoire national des structures de santé ou médico-sociales ont poussé leurs employés au covoiturage, à l’achat/location de vélos électriques grâce soit à des primes incitatives, soit à la mise en place de parcs destinés à la location par les employés, ou encore ont optimisé les transports en commun en mettant en place des navettes reliant par exemple une structure à un arrêt lointain.
Par ailleurs, le guide rappelle également que le programme certificat d’économie d’énergie (CEE) AVELO2 de l’ADEME soutient plus de 400 territoires peu denses et périurbains dans la planification, l’expérimentation, l’évaluation et l’animation de politiques cyclables. Enfin, il souligne que l’Etat accorde une réduction d’impôt pour les entreprises mettant à disposition de leurs salariés une flotte de vélos (achetée ou louée) pour leurs déplacement domicile-travail et que, sous certaines conditions, les ARS peuvent soutenir financièrement la mobilité durable.
Pour encourager les mobilités douces, L’hôpital agit pour la planète liste dans ce droit fil des actions à réaliser au sein des établissements :
- Sensibiliser les collaborateurs (évènements, ateliers d’accompagnement au changement, écoconduite, animations thématiques, challenge interservices)
- Rembourser au moins de 50% à 100% du titre de transport
- Favoriser la flexibilité horaire pour faciliter l’usage des transports en commun
- Mettre en place le forfait de mobilités durables ou une prime vélo quand les salariés utilisent un moyen alternatif
- Mettre à disposition une plateforme de mise en relation, des applications mobiles, ou encore des places réservées pour encourager le covoiturage et l’autopartage
- Créer un stationnement vélo sécurisé ou un local dédié pour encourager l’usage du vélo
- Réinventer le transport sanitaire
Alors que le transport sanitaire concerne chaque année 87 millions de trajets, impliquant de facto un coût environnemental et financier majeur, le C2DS propose de repenser celui-ci pour limiter son impact. Prenant appui sur des exemples probants du territoire, il propose ainsi par exemple de mettre en place du covoiturage pour les patients dialysés ou en chimio.
- Sept exemples d’actions pour un fret bas carbone
Afin de favoriser le fret bas carbone, l’hôpital agit pour la planète propose tout d’abord de changer ses pratiques d’achat et de livraison, et de sensibiliser les fournisseurs.
Par ailleurs, il liste 7 pistes d’actions pour les établissements :
− Nommer un référent « fret bas carbone » pour faire un état des lieux des initiatives vertueuses et les généraliser ; sensibiliser les collaborateurs.
− Cartographier les plateformes de distribution des fournisseurs et les modes de transport utilisés.
− Optimiser les commandes et réduire la fréquence des livraisons.
− Créer une charte engageant les fournisseurs (formation à l’écoconduite, transport multimodal, stratégie de renouvellement du parc de véhicules bas carbone).
− Coopérer avec d’autres acteurs du territoire : mutualisation de livraisons, dépôt logistique commun, véhicules bas carbone mutualisés.
− S’appuyer sur un Beges complet pour dégager des pistes d’amélioration.
− Intégrer le critère de certification ou d’évaluation volontaire du transporteur dans le marché